Les lauréats des Editors Photo Awards du CP+ 2019

Le prix de la presse - Ryô TAKAGI

Ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler un instant décisif, mais un instant de tous les moments. J’ai eu envie de me décaler par rapport au point de vue habituel. De libérer ma vision nourrie par notre éducation, notre environnement. De prendre une infime liberté par rapport aux images imposées, accumulées en moi. A chaque instant, quel spectacle s’offre à nos yeux ? Qu’est-ce qui nous sépare du monde qui est devant nous ? Ce que nous avons sous les yeux, c’est notre monde, mais aussi celui des personnes photographiées.

Une photo qui se joue des frontières, née d’un regard devenu libre, offre à qui la regarde la liberté d’imaginer. Une série d’œuvres à interpréter librement dans un temps flottant. Ses photographies offrent de multiples récits à qui les regarde. Certaines envoient un message fort, tandis que d’autres fourmillent d’indices propres à stimuler l’imagination. C’est le cas de ce travail de Ryô Takagi. Que font les personnes capturées par son objectif ? Pourquoi a-t-il choisi de les photographier ? Et que faisait-il là ? A fouiller du regard les moindres recoins de l’image, perplexes, nous scrutons la photo en détail et comprenons que nous sommes tombés dans le panneau: aucune réponse n’est la bonne. Bien qu’elles ne disent rien de l’avant ou de l’après de l’instant qu’elles capturent, bien qu’elles s’en remettent à vous pour les interpréter, une force étrange en émane; c’est là que réside le regard, l’approche créative, tout en souplesse, de Ryô Takagi.

Cet instant capturé devient un cliché à part, loin du monde ordinaire. Lorsqu’on tente de saisir la pensée de Ryô Takagi, on se surprend à imaginer que pour lui, le concept même du temps qui passe est différent. A l’heure où nous sommes soumis à une uniformisation galopante, il se bat de tout son être pour préserver le regard qui est le sien.

Ryûji SUGAWARA, rédacteur en chef de CAPA

Le prix du public - Hitomi SATÔ 

“Layered NY”
New York, une ville où l’énergie libérée par ses habitants est perceptible, comme se superposant en plusieurs couches. Les gens se reflètent derrière les vitrines alors que d’autres marchent devant, dans la rue : ce mélange s’est inscrit dans ma mémoire ainsi que la profondeur du champ devant mes yeux. Comme moyen de reproduire cela, j’ai essayé de créer un composite en couches. En mélangeant des clichés qui n’étaient pas traités comme des composites, j’ai essayé de créer une image tridimensionnelle expérimentant, comme dans des temps différents passé et actuel, ce qui a été vu et ce qui est vu. 

Comme son titre l’indique, Layered NY, il s’agit d’une collection mélangeant des clichés de rue en couches superposées avec d’autres clichés de rue qui n’ont pas subi un tel traitement. Il ne s’agit pas d’une composition de différentes images planes pour la conception d’une image, mais d’une oeuvre tridimensionnelle entrelaçant de multiples couches de temps et de points visuels. Ainsi, la vision du spectateur se multiplie en différents champs, en profondeur et en périphérie. Avec leurs mouvements de mise au point qui s’apparentent au cinéma tout en suggérant un arrière-plan narratif, ces clichés étonnants donnent forme à des tranches de vie, des bribes de scènes, des éclats de regards qui ont fortement inspiré la photographe à New York, à travers une composition stratifiée. Des photographies qui n’auraient pu voir le jour sans la puissante motivation qui anime l’auteure. 

FUJII Takaki, rédacteur en chef de Photo Technique Digital