
Afin d’encourager et de mettre en valeur la profession de photographe, le Salon de la Photo a initié en 2010 LES ZOOMS, deux prix décernés, l’un par le public, l’autre par la presse.
Présidé par le photographe Ferrante FERRANTI, le jury se compose de neuf professionnels de la presse (rédacteur photo, rédacteurs en chef, directeurs de la photo et directeurs de rédaction) qui ont désigné chacun un photographe professionnel « émergent » (français ou installé en France), un talent peu connu ou pas assez reconnu.
Les Zooms vous sont proposés en partenariat avec Picto.
Découvrez les candidats présentés lors des Zooms 2023
Caroline Henry
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A propos de Caroline Henry
Entourée d’artisans, elle observe tôt les gestes et devient chocolatière. Le corps est son outil. Fascinée par l’image en mouvement, elle acquiert une petite caméra et filme ce qui l’entoure, cherchant les angles qui racontent, les histoires qui se créent dans nos vies.
Elle voyage au long cours avant d’étudier, en Australie, en Amérique du Sud, en Asie, elle apprend d’autres langues, d’autres usages. De retour en France, elle étudie le cinéma en même temps que l’anthropologie. Elle cherche ce qui fait notre humanité. Dans le sillage de ces études, elle réalise deux films documentaires, portraits d’artistes et d’artisans, odes à la beauté du geste sélectionnés en festival et diffusés sur la TNT.
Plus récemment, elle retrouve la photographie qu’elle avait apprise en laboratoire à côté du cinéma, la lumière qu’on ajoute ou retire avec la main pour sculpter l’image. Et la danse qui relie depuis le début toutes ces pratiques, le geste à l’origine des images et des mots. Elle a 41 ans, vit et travaille à Paris.
Caroline Henry présentée par Stéphane Brasca – Directeur de la rédaction du magazine De l’Air
"J’ai rencontré Caroline Henry lors d’une lecture de portfolio en 2022 à Arles organisée par la Fondation les Treilles. Dotée d’une bonne humeur contagieuse, elle m’a montré un ensemble de tirages qui composent sa série Ce que tu vis seulement te trace. Ces images carrées se sont mises à valser sous mes yeux. Dans une forêt ou un pré, Caroline danse devant son appareil. L’exercice est périlleux et pourrait vite virer ridicule. Mais c’est sans compter sur sa grâce, sa vivacité, la maîtrise parfaite de son corps. Chaque pas, chaque mouvement, chaque figure épouse la forme de la nature. Avec le tronc, la branche, la mare elle fait partenaire. Et au fil de la chorégraphie s’effeuille pour finir nue, sauvage."
Salomé Hévin
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A propos de Salomé HEVIN
Née en 1987 à Suresnes, Salomé Hévin étudie le cinéma à Edimbourg et à Londres, avant de partir s’installer en Ukraine. En 2016, elle s’achète son premier appareil photo : un modèle de la marque soviétique Zénith. En parallèle de ses films, la réalisatrice entame des séries photos dans lesquelles elle magnifie la poésie du quotidien, cherchant à retranscrire l’émotion qu’elle ressent sur pellicule. Son sujet de prédilection devient vite l’adolescence. En 2017, elle rencontre un groupe de jeunes femmes à Slaviansk, dans le Donbass. A l’été 2018, alors qu’elle a déménagé en Russie, Salomé Hévin découvre l’existence d’un foyer pour enfants difficiles tenu par un prêtre orthodoxe en pleine campagne. Elle est tout de suite fascinée par la débrouillardise de ces garçons, souvent des orphelins. Elle décide d’y tourner un documentaire et d’y réaliser "Paradis", une série au long cours pleine de tendresse.
Salomé HEVIN présentée par Alexandra Nawawi - Rédactrice en chef du magazine Polka
" L’Ukraine ? Ils savent à peine la placer sur une carte. Alors de là soutenir de manière volontaire l’invasion du pays par le Kremlin… On en est loin !" Quand Salomé Hévin évoque ce groupe de jeunes Russes placés dans un foyer qu’elle a rencontré à l’été 2018, ses yeux s’illuminent. "Ces gamins ont une piètre idée d’eux-mêmes, explique-t-elle. Ils font partie des classes les plus défavorisées de la Russie. Souvent cancres, ils ont l’impression d’être des nuls. Pourtant je n’avais jamais vu des enfants comme ça !"
A deux heures et demi de la ville moyenne de Perm, une petite quinzaine d’orphelins et d’adolescents "difficiles ", âgés de 7 à 18 ans, sont élevés dans les valeurs chrétiennes orthodoxes et l’amour de la patrie par le prêtre Boris. Quand ils ne sont pas à l’école, les pensionnaires travaillent à la ferme, nourrissent les nombreux animaux, se chargent des corvées de pomme de terre, récurent les étables, nettoient les dortoirs… Le prêtre ne vit pas sur place, mais peut appeler à tout moment. C’est lui qui décide des taches de la journée et des punitions. « Il est à la fois omniprésent – il a une telle autorité qu’il est toujours dans la tête des adolescents –, et à la fois assez peu présent au quotidien. » Dans les faits, les garçons s’organisent entre eux. Ils forment une famille : les plus grands s’occupent des plus petits, leur montrant commun tuer un cochon ou ouvrir sans se blesser l’étable du chameau. Au contact de la nature et des bêtes, ils sont censés retrouver le droit chemin.
La politique, ils en entendent parler, mais leurs rêves sont ceux des enfants de leur âge : se trouver une copine, s’acheter une voiture, avoir un appartement, et partir de chez Boris. "On leur apprend à obéir et à ne pas réfléchir, reprend la photographe. Mais malgré tout, ils ne sont pas aussi endoctrinés qu’on pourrait le penser au vu de la folie collective dans laquelle ils baignent. L’invasion de l’Ukraine n’a pas changé grand-chose pour eux. Sauf qu’ils ont commencé à voir des gens autour d’eux partir au front. Certains ne revenant pas."
Malgré la guerre qui gronde et la dureté de leur vie, ce qui émeut dans les photos de Salomé Hévin, c’est la douceur des visages et la tendresse des gestes de ces jeunes gens nés en Russie.
Thelma Ackermann
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A propos de Thelma Ackermann
Thelma Ackermann a 20 ans et est étudiante en Sciences Politiques à Strasbourg. Créer est vital pour elle et de fait, tout l’inspire. La liste est longue : la musique (qui l’aide particulièrement à visualiser ses images), le cinéma (celui de Paradjanov ou Jean-Pierre Jeunet, entre autres) mais aussi ses proches et plus récemment certains grands photographes. Mary Ellen Mark, Nan Goldin ou encore Charles Matton dont Agnès Grégoire lui a fait découvrir le travail. Elle partage avec lui la fabrique de décors et accessoires miniatures qu’elle réalise de façon artisanale aux côtés de sa tante pour atteindre un réalisme maximal.
Enfant relativement solitaire ayant grandi dans un petit village mosellan, les poupées se sont vite imposées à défaut de modèles vivants. Pour ses photos elle utilise des poupées de collection coréennes appelées Pullips et BJD qui présentent l’avantage d’être entièrement customisables. Elle réalise leur maquillage pour qu’elles incarnent au mieux les personnages qu’elle crée et sur lesquels elle écrit également. Ils servent cependant uniquement de base personnelle car de façon générale, elle préfère laisser au spectateur la libre interprétation de son travail. Elle a toujours été intéressée par les aspects les plus sombres de l’être humain, en tout thème : l’amour, la perversion, la religion, les addictions, la mort ; et toute époque. Passionnée de photographie ancienne, qu’elle collectionne, elle a exploré la quasi-entièreté du XXème siècle avec ses clichés. Ayant commencé à photographier à 11 ans, elle affirme que les images de tous formats l’ont toujours obsédée. Ainsi, les Zoom représentent pour elle une occasion inédite de les faire passer de l’imaginaire au réel.
Thelma Ackermann présentée par Agnès Grégoire – Directrice de la rédaction du magazine Photo.
"Multicurieuse de tout, avide de savoir, 1,80 m dans une robe de dentelle blanche, un regard noir et lumineux, un sourire carnassier et contagieux : Thelma Ackermann est devant moi et doit sortir d'un roman noir, sûrement un excellent polar ! Du haut de ses 20 ans, cette étudiante de Sciences Po m'explique comme la photographie l'habite, comment elle collectionne compulsément les albums de photos qu'elle déniche dans les brocantes, sur internet, qu'elle voudrait en connaître davantage sur la photo des anonymes.
Thelma me présente alors sa photographie à elle. Tout commence par un décor miniature minutieusement confectionné à la main pour accueillir ses étranges poupées aux yeux trop grands. Lorsque costumes, lits, murs, fenêtres, cartables, livres, fleurs, tombes, cigarettes... de liliputiens ont été réalisés, l'installation peut prendre place et être shootée autant de fois qu'il le faudra pour que l'ensemble prenne vie et sens en une photographie. Maisons de poupées à la Lewis Carroll qui se jouent de nous et nous invitent dans leurs univers plus complexes et provocateurs qu'il n'y paraît. Je repense avec délice aux extraordinaires maquettes de Charles Matton. Thelma ne connaît pas. Pourtant, ils partagent à bien des générations d'écart cet art de la mise en scène miniature et théâtrale, où l'innocence apparente possède le goût amer du lugubre mais aussi des obsessions fantastiques. Tout comme les jeux de jambes des poupées du sulfureux et surréaliste Pierre Molinier, célébré en ce moment au sein d'une grande rétrospective au Frac Méca de Bordeaux. Et si Thelma Ackermann était la nouvelle Charles Matton ? "
Victorine Alisse

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A propos de Victorine Alisse
Photographe française et membre du Collectif Hors Format, elle est actuellement basée à Jérusalem en Israël/Palestine. Après une formation en relations internationales et en action humanitaire, elle s’est consacrée à la photographie. Son approche documentaire l'amène à traiter de sujets sociaux et environnementaux, mais c'est surtout l'échange avec les autres qui nourrit son travail. Actuellement, elle explore les visages de l'agriculture d'aujourd'hui en France et à l'étranger. Elle s'intéresse également à de nouvelles formes narratives, associant textes et images dans la série "Au grand air" réalisée avec JS Saia, qui a vécu au Bois de Vincennes. Cette conversation photographique ne cherche pas à parler de "la rue", mais plutôt à montrer une facette poétique de ce mode de vie qui n'empêche pas la solitude et l'isolement. Elle travaille pour des médias nationaux et internationaux tels que NZZ, Le Monde, Libération, WOZ, TAZ, La Vie, La Croix, etc... Elle anime également des ateliers éducatifs pour différents publics avec Dysturb.
Victorine Alisse présentée par Didier de Faÿs – Rédacteur en chef du site Photographie.com
Comment sur une simple photographie transmettre la vie des autres ? Et au-delà de l’image, comment faire entendre leurs voix ?
Dans une époque où les technologies de transmission des informations, évoluent si rapidement, Victorine Alisse a choisi à la fois pour son sujet que pour sa production d’aller aux racines du travail de la terre et de ceux qui la cultivent. Les étapes ancestrales de l’agriculture sont au cœur du processus photographique. Elle laboure les terroirs qu’elle visite, essaime les rencontres, les cultive en famille puis elle récolte les histoires et amène à bien mûrir.
Alors développées les images prennent tout leur sens. Car de la terre française d’où elle vient, ou dans tous les points chauds du globe, tous les enjeux de l’agriculture qui devient l’industrie agro-alimentaire, se révèlent cruciaux.
Mais ils sont méconnus, volontairement déplacés à la marge du monde. Victorine, enfant de paysans, nous les révèle.
L'écriture est partagée avec ceux qu’elle photographie, car justement, elle leur demande d'écrire dans la marge des tirages. En arabe, hébreu ou thaïlandais, en Israël ou Palestine, ils rédigent la légende de leur propre photo. Traversant les frontières, une histoire commune s’ouvre de manière organique sur une autre. Du territoire local elle devient universelle, elle redevient notre histoire que nous avions oublié. La terre n'est pas à la marge de la vie, mais elle est son origine.
“Nous resterons ici tant qu'il y aura du thym et des olives” est le nouveau chapitre d’un travail au long cours centré sur l’agriculture et le lien universel à la terre que Victorine Alisse mène depuis trois ans en France et à l’étranger. Dans le village de Wadi Fukin en Cisjordanie, elle veut raconter comment les agriculteurs et les agricultrices s’organisent pour sauver leurs derniers dunams de terre et leur combat pour la souveraineté alimentaire.
À quelques kilomètres de Bethléem, dans le creux d’une vallée et non loin de la ligne Verte, ce village agricole est littéralement encerclé. À l’Est, il y a la colonie israélienne de Beitar Illit ; à l’ouest, celle de Tzur Hadassah et la barrière de séparation. L’expansion grandissante des colonies et de leurs infrastructures continuent de menacer les terres des agriculteurs et agricultrices du village*. Wadi Fukin est un symbole de résistance. En 1948, les habitants ont été chassés de leurs terres par l'armée israélienne dans le cadre d'un conflit frontalier, puis contraints à fuir une deuxième fois après la guerre des six jours en 1967. Malgré ces événements traumatisants, les agriculteurs ont continué de cultiver leurs champs depuis le camp de réfugiés de Dheisheh, situé au sud de Bethléem. Ce n'est qu'en 1972 qu'ils ont été autorisés à revenir sur leurs terres, mais aujourd'hui, ils font face à des obstacles majeurs en termes d'accès à la terre, à l'eau et au reste du territoire palestinien.
Victorine Alisse veut montrer la force et l’espoir qui habitent ces femmes et hommes et la dimension symbolique de leur lien à la terre dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Un couple a fait le choix de vivre dans une grotte située sur des terres menacées d'expropriation par Israël. Shafika a créé une coopérative pour les femmes afin de développer la production de produits locaux vendus sur le marché. Ibrahim continue avec ses quatre fils de prendre soin de leur potager et de leur transmettre son savoir. “Quand un arbre est déraciné par Israël, nous en plantons 10", confie-t-il. Tous ont le point commun d’avoir un attachement viscéral à leurs terres et à leur village. Pourtant, le métier d’agriculteur n’est pas assez rentable et certains sont contraints de traverser chaque jour la frontière pour travailler dans des fermes israéliennes où les salaires sont trois fois plus élevés tout en continuant de cultiver leurs champs**.
*90 % des 300 ha Wadi Fukin sont en "zone C", c’est-à-dire sous contrôle légal et militaire israélien. De plus, même si le système ancestral d'irrigation du village avec des bassins de collecte des eaux de pluie est un véritable atout, les restrictions en eau imposées par Israël entravent la production alimentaire.
**Selon les données statistiques de l’organisation indépendante Kav LaOved, 15 000 palestiniens travaillent dans le secteur de l’agriculture en Israël, en 2020.
Anna Biret
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A propos d'Anna Biret

Anna Biret est née en Pologne soviétique où elle a grandi et entrepris des études en architecture. Elle a déménagé par la suite à Paris, où elle vit depuis.
Anna a découvert la photographie de rue en novembre 2018, lors d'un atelier de Maciej Dakowicz à Mandalay, en Birmanie. Ce fut la première étincelle qui a déclenché toute une série de voyages. Quand elle sort dans la rue avec son appareil photo, elle n’a aucune idée précise de ce qu’elle va photographier. A priori, tout l'intéresse : les scènes ordinaires, les détails, la lumière, les couleurs, les formes et surtout les personnes qui l'inspirent. Elle respecte les gens et ne veut pas les agresser. Elle n’utilise pas de flash… Jamais ! Sa présence est acceptée, elle ne saurait expliquer pourquoi. Elle essaie de faire des photos de rue franches, en simplifiant le désordre chaotique de la vie, pour faire ressortir un peu de mystère et d'ordre. Elle aime capturer ces moments qui rendent chaque instant beau dans la vie de tous les jours.
Lorsqu’elle voyage, elle se concentre au maximum sur l'espace environnant. Elle est fascinée par l'Inde et l'Asie en général, mais elle aime aussi prendre des photos à New York. Elle peut trouver quelque chose de fascinant partout et peut s'adapter à différentes conditions.
Quand elle prend des photos, elle sent que quelque chose de magique se passe en elle et avec le monde qui l'entoure. Elle aime les rencontres spontanées qui ne peuvent avoir lieu que dans les espaces qu’elle parcourt. La photographie de rue demande beaucoup de concentration. C'est une chasse instantanée qui demande un autre regard.”
Anna Biret présentée par Thibaut Godet – Rédacteur en chef du magazine Réponses Photo
“C’est en taguant “#réponsesphoto” sur Instagram qu’Anna Biret a attiré notre attention il y a maintenant deux ans. Cette Polonaise qui habite à Paris ne s’est découverte à la photo que très récemment. Et pourtant, elle démontre une maturité certaine dans son approche de la photographie de rue qu’elle pratique lors de ses voyages lointains. Au gré de ses images, on découvre sa surprenante aisance à s’approcher de son sujet, des femmes, des enfants, des animaux parfois. Elle photographie en plein jour, et affectionne des lumières dures, là où nombre de ses compères laissent passer leur chance. Cette photographe brouille les pistes, immortalisant les passants ou leurs ombres avec une certaine unité. Malgré les centaines voire milliers de kilomètres qui séparent chacune de ses images, Anna Biret nous livre un seul et même monde… Son monde.”
Gabriel Dia
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A propos de Gabriel Dia
Né en 1985 à Rufisque, au Sénégal, Gabriel Dia rejoint la France en 2008 pour fuir les persécutions dues à son homosexualité. Ingénieur de formation, il publie un premier roman en 2013, La Naissance d'une vierge, mais une seconde passion, la photographie, prend le dessus. Inspirés par les travaux de Dominique Issermann et de Peter Lindbergh, c’est l’univers de Sarah Moon qui le décide à se consacrer au 8e art. Distingué par la Bourse du Talent en 2021, il signe sa première exposition photo personnelle à la Fisheye Gallery en 2022.
Gabriel Dia présenté par Eric Karsenty – Rédacteur en chef du magazine Fisheye
Dans Sabar, une série qui porte le nom d’une danse du Sénégal réservée aux femmes, Gabriel Dia interroge les notions de genre, d’amour et de sexualité, et revient sur les peines de son adolescence. "Il est de tradition que les hommes jouent de la musique et que les femmes dansent en guise de remerciement", explique celui qui s’est mis en scène. Outre l’évocation de souvenirs d’enfance, ces images dénoncent l’homophobie persistante dans son pays d’origine, qu’il a quitté en 2008. "Je suis venu m’installer en France lorsque j’ai compris que, étant homosexuel, je ne pourrai pas vivre librement là-bas ", précise l’artiste. Un travail délicat et mélancolique qui symbolise un engagement envers une communauté LGBTQIA+ en quête de liberté.
Anne-Laure Étienne
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À propos d’Anne-Laure Etienne
À peine trentenaire, Anne-Laure Etienne est parvenue à se constituer une mosaïque de vie(s) qui l’installe dans une catégorie de photographes/vidéastes d’exception. Son œuvre composite, immédiatement reconnaissable bien qu’en perpétuelle hybridation, est une représentation magistrale de son époque. Nourrie par la fréquentation assidue des terres sauvages de l’Ardèche, son regard s’est aiguisé au contact de la nature que les activités humaines peinent à canaliser. Elle y a gardé son ancrage vital tout comme son sens du relief et son approche de la lumière naturelle. L’autodidacte a plié ses bagages pour acquérir de la théorie, de la technique et de solides références. Anne-Laure intègre l’école des métiers SEPR à Lyon pour obtenir son BAC pro photographie. Le cadre est trop étroit ; il lui faut l’élargir. Elle s’intéresse alors à d’autres horizons, au sens propre comme au figuré : le graphisme en Belgique (Liège, École Supérieure des Arts Saint Luc) puis l’architecture en Allemagne (Berlin).
En 2015, elle est lauréate de l’appel à candidature "Les femmes de ma vie", organisé par Compétence Photo. En 2020, elle remporte le 1er prix du concours Réponses Photo à l’occasion des Rencontres d’Arles. Enfin, en 2022, elle est finaliste du Prix Picto de la Photographie de Mode.
Anne-Laure Etienne présentée par Gérald Vidamment – Rédacteur en chef du magazine Compétence Photo
"Depuis plusieurs années, à travers une série d’autoportraits rassemblés sous l’intitulé Tissue and bones, Anne-Laure Etienne entreprend de réhabiter le monde. Sensible aux lieux, aux formes, aux densités et à la spiralité inconsciente d’une planète qui tourne irrésistiblement en rond, elle entame alors un dialogue vibrant et tactile, fait de fibres et d’ondes, de sentiments éthérés et d’étoffes déployées. En ralentissant le temps, elle le fait revivre à contre-courant. En réinventant le geste, elle virvousse avec tendresse et délicatesse. En chahutant l’horizon, enfin, elle bâtit l’invisible. Si les silences se font l’écho de ce ressourcement inespéré, quelques murmures épars glissent néanmoins lentement jusqu’à nous, telle une mélodie surgissant des airs pour se dérober sous la roche. Tantôt elle nous conte l’amour sous la forme d’un refuge douillet caressé par la brise d’un cœur léger, tantôt elle entremêle végétal et minéral au fil d’instants suspendus. Et toujours cette sensation désarçonnante que l’équilibre ne tient qu’à un cheveu rebelle et non à une ligne droite tracée mécaniquement au loin… Sans conteste, Anne-Laure Etienne n’a plus seulement que les pieds hors sol ; c’est tout son corps qui flotte parmi les éléments."
Bruno Labarbère
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A propos de Bruno Labarbère
Né en 1987 en Thaïlande, Bruno Labarbère rêvait de devenir ingénieur et designer automobile jusqu’à l’achat impulsif de son premier bridge numérique à l’âge de 20 ans. Abandonnant ses études de Droit, il entame un BTS photo à Ivry-sur-Seine, qu’il quitte pour travailler chez Leica. Après trois ans comme vendeur, il bifurque vers le journalisme et, de 2013 à 2021, rédige tests de matériels photographiques et dossiers de vulgarisation technique pour des magazines photo français.
Parallèlement, Bruno Labarbère pratique la photographie en dilettante, par pur amour du déclenchement et pour s’aérer l’esprit à la sortie de la rédaction. Ce n’est qu’en 2017 et lors de son troisième voyage à Tokyo qu’il se redécouvre vraiment photographe. Lassé des images numériques cliniques qu’il produit pour ses tests, il ressort son premier appareil argentique et se laisse aller à une photographie volontairement granuleuse, en noir et blanc, parfois tremblante et souvent mal exposée. Sa culture de l’image, non-photographique, il la doit plutôt aux décors de Makoto Shinkai, aux lumières du Caravage, aux ombres de Jun'ichirō Tanizaki et aux atmosphères de Wong Kar-Wai. Plus encore qu’à Paris, il photographie au Japon cette "intranquillité" chère à Fernando Pessoa. Une action sans action qui n’est toutefois ni de l’agitation ni de l’excitation. Il déclenche à l’instinct, espérant se souvenir du moment, puis il oublie ses images dans un coin de sa tête et de ses tiroirs.
De manière ironique, ce sont les crises du papier et de la Covid-19 qui lui laissent le temps de se pencher sur ses dix années d’archives japonaises. Il redécouvre ses nuits tokyoïtes, ses errances au petit matin, trie ses photos, avec l’idée d’en faire un zine (qui dégénère en projet de livre). Il en émerge "Mizuwari", une série recomposée a posteriori avec ce qu’il a sous la main, le Japon ayant alors fermé ses frontières. À partir de l’été 2021, il commence à montrer ce travail à des amis amateurs et professionnels de la photographie, découvre en retour les travaux de Daidō Moriyama, Anders Petersen, Sakiko Nomura et Issei Suda, puis est sélectionné en tant que "Tremplin Jeune Talent" pour l’édition 2022 du Festival Planches Contact de Deauville.
Bruno Labarbere présenté par Damien Roué – Rédacteur en chef du site Phototrend.fr
"Bruno Labarbère, après être passé par plusieurs rédactions de magazine photo spécialisé, a troqué son clavier pour l’appareil photo. Initialement parti au Japon pour réaliser un documentaire sur les distilleries du pays, un hasard du calendrier le force à abandonner ce sujet, ou plutôt à s’intéresser non pas aux fabricants, mais aux clients de l’alcool japonais. Sur l'Archipel nippon, pour modérer la brûlure de l'alcool, celui-ci est généralement consommé allongé d'eau et de glaçons, un service appelé "Mizuwari" (littéralement "mélangé avec de l'eau").
Avec son Leica, quelques pellicules noir et blanc, le photographe a déambulé dans les ruelles de Tokyo, de nuit comme de jour. De ses errances, on retrouve une vision très sensible de la société japonaise d’aujourd’hui, lorsqu’à la nuit tombée elle se libère de la pression sociale et du poids des traditions. Avec un travail noir et blanc fort et des photos prises sur le vif, Bruno Labarbère signe un projet photographique très vivant, entre photographie de rue et travail documentaire humaniste."
Cléa Rekhou
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A propos de Cléa Rekhou
Cléa a grandi dans une cité du Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis,.Franco-Algérien, son père est arrivé dans les années 1970. Il est devenu chauffeur-livreur et sa mère était agent d’entretien. Les études ont été un effort financier important pour ses parents. Élève brillante, après deux ans de prépa, elle intègre une école de commerce. Après son diplôme, elle s’installe à Bangkok pour travailler comme chef de projet dans la tech. Son avenir est tout tracé. C’est sans compter sur les hasards de la vie. C’est ainsi qu’elle assiste à la conférence d’un photographe italien, Giulio Di Sturco, qui propose des workshops dans le pays. Immédiatement fascinée par son travail et par ce que l’on peut faire avec la photographie, cette soirée agit sur elle comme une révélation. Les jours et les semaines d’après sont consacrés à se documenter. La photo est une terra incognita pour elle. Elle consulte des ouvrages de grands photographes et, parallèlement visionne des tutos pour assimiler les aspects techniques. Elle prend sur son temps libre avec son appareil photo comme nouveau compagnon. La technique est importante, il lui faut la maîtriser, mais elle comprend que là n’est pas l’essentiel. Raconter par l’image est un exercice pointu, intellectuellement exigeant. Quand Giulio Di Sturco lui propose d’intégrer sa master class, elle n’hésite pas et s’attaque à son premier sujet documentaire. Le monde des dragqueens la fascine. Le week-end, le soir, pendant ses jours de congé, elle s’immerge au coeur de ce monde interlope. Le workshop dure six mois. Le résultat est à la hauteur de ses espérances. Adieu le poste confortable dans la tech. Elle démissionne et rentre en France, s’installe à Marseille avec comme projet de raconter “ses pays” : La France et l’Algérie, de se pencher sérieusement sur les multiples questions sociales et sociétales qui relient les 2 pays. "J’ai emprunté un chemin compliqué, parce que ce que je donne à voir n’est pas spectaculaire. Mon but est de parler de ce qui n’a pas encore été dit. Apporter un éclairage personnel dont j’assume la subjectivité. Je reste fidèle avant tout à ce que je suis. Une photographe libre de ses choix et de ses sensibilités."
Cléa Rekhou présentée par Jean-Jacques Farré – Fondateur de Like Magazine
"Cléa Rekhou représente bien de mon point de vue cette nouvelle génération de photographe. Elle s’appuie sur un sérieux cursus scolaire pour reconstruire son parcours professionnel. Vive, intelligente, elle assume sa double nationalité et la transforme en atout précieux. La France et l’Algérie ont un sérieux problème. 60 ans après l’indépendance de l’Algérie, les traces de la colonisation et les non-dits sur la guerre qui n’a pas dit son nom ont creusé une méfiance réciproque. Cléa partage son temps entre les 2 pays à la recherche de son identité. Elle documente la vague de contestation commencée en 2019 "l’Hirak" menée par la jeunesse Algérienne – de façon pacifique –, demandant la démission du président Abdelaziz Bouteflika. Tous les vendredis pendant un an elle va se mêler aux manifestants conscients que l’histoire du pays se construit sous ses yeux. À la recherche de ses racines, elle retrouve Maguie cette “vraie fausse grand-mère”, Française et amoureuse de son grand-père qui s’installera par amour à Alger et y restera jusqu’à la fin de sa vie. Une histoire familiale où se mêlent l’amour, la guerre et la peur du lendemain. Maguie, Française de souche sauvera la famille dans les années 60 en prévenant son grand père de l’arrestation orchestrée par l’armée française. Ils purent alors tous fuir avec l’aide du FLN vers le Maroc et ne revinrent en Algérie qu’à l’indépendance. Aujourd’hui Cléa Rekhou entreprend un travail plus conceptuel sur les traces de la présence Française en Algérie et plus particulièrement sur l’urbanisme bâtit dans les années 50. C’est en 1830 que commence la conquête française de l’Algérie. Celle-ci s’étendra sur plusieurs décennies de violence, installant alors une "colonie de peuplement" ainsi qu’un système ségrégationniste. Une fois le gouvernement colonial établi, de multiples politiques de logement seront utilisées pour contrôler le territoire et maintenir la domination coloniale sur les populations "indigènes". Alger, capitale de l’Algérie française, est alors considérée comme un laboratoire d’architecture et d’urbanisme. Dans les années 1950, à la veille de la guerre d’indépendance, de plus en plus d’Algériens vivent dans des bidonvilles, un espace et des conditions propices à la propagation de mouvements protestataires de la population colonisée. Jacques Chevallier, maire de la ville, décide en 1953 de mandater l’architecte français Fernand Pouillon à la construction de logements sociaux dans toute la capitale afin de reloger la population des bidonvilles et d’atténuer la crise politique. L’architecte marquera Alger de trois ensembles de logements. Avec ce projet, elle cherche à questionner métaphoriquement la construction de l’identité algérienne en (re)construisant des images à l’aide de plusieurs techniques visuelles : assemblage d’images, juxtaposition, opacité. Ces techniques sont une manière de symboliser la reconstruction en cours de l’identité, tout en déconstruisant un l’héritage colonial. "Mon objectif est de diffuser largement ce projet afin de contribuer à changer le regard sur l’Algérie contemporaine. Je cherche aussi à sensibiliser les jeunes algériens à l’importance de revendiquer et de préserver notre héritage, aussi complexe soit-il."