Exposition au Salon de la Photo 2023
Château Jean Faure par Sophie Hatier

Si j'ai eu le plaisir d'être la première artiste invitée en résidence à Jean Faure, c'est en partie, j'imagine, parce que mes séries photographiques, depuis plusieurs années, traitent de la nature, du vivant. Ce très beau domaine viticole est pourtant différent de mes sujets habituels. Je fais partie de ces photographes-voyageurs qui ont une affection particulière pour les grands espaces sauvages et les régions très peu peuplées… Saint-Émilion, c'est donc, d'une certaine façon, exotique pour moi.
Les vins de Saint-Émilion font rêver dans le monde entier. Je me sens très chanceuse, privilégiée. Je ne connais pas bien le vin, j’ai lu quelques livres et apprécié quelques bons crus mais c’est à peu près tout. Je vais être à bonne école en approchant de près ce domaine grand cru Saint-Émilion.

À mon arrivée, je découvre dix-huit hectares couverts de vignes sur un relief très plat. Un véritable défi photographique. Je ne sais pas du tout comment je vais apprivoiser le sujet. Je rencontre l’équipe, jeune, dynamique, très investie dans le travail si délicat de la vigne et de sa transformation. Comme eux, je dois me rendre disponible, attentive et à l’écoute de ces vignes. Il faut que les dix-huit hectares, les visages, les animaux et tout ce qui constitue le domaine me devienne familier.
Pour créer ces liens j’arpente les lieux à toute heure et par tous les temps. C’est par la marche, le corps, que la compréhension naîtra. C’est un domaine bio, les abeilles, les oiseaux, les pissenlits sont là, la nature est là, ça me parle. Daniel, le chef de vigne m’explique les cépages, la taille, les sols, la météo… Je me laisse prendre par le charme du domaine.

On sent l’influence des marées pas loin et à certaines heures les lumières deviennent subtiles, douces, raffinées. Il y a alors des tonalités très émouvantes : des verts jeunes et un peu jaunes, des nuances de gris poudrés sans lourdeur, des cyans joyeux. Ce sont ces tonalités et ces lumières que je dois travailler. J’installe un petit studio, une pièce avec une grande baie vitrée, qui donne sur les vignes et qui capte cette lumière naturelle pour y photographier l’équipe, les raisins, les objets.

Quelques semaines plus tard, changement de rythme. Ce sont les vendanges et le début de la vinification. Subitement une flambée d’énergie, c’est dense, concentré. Pour l’équipe du domaine, il n'y a plus d’horaires, plus de limites. Une seule préoccupation : comment sera la récolte de l'année ?
Je m’attache à la vigne et commence à comprendre ce qu’est le vin. Les photos sont là. Sophie Hatier.

Après avoir photographié des zones de conflits (Bosnie Herzégovine - Moyen Orient...) et voyagé dans de nombreux pays (Mongolie, Namibie, Sénégal, Inde, Arménie, Kamtchatka, Brésil...), Sophie Hatier s’éloigne du reportage et se concentre depuis une dizaine d'années sur une approche plus plasticienne et sensorielle du paysage, du portrait et du vivant en général. Amoureuse de la couleur, ses images sondent la limite entre le concret et l’abstrait, le « presqu’abstrait », et le point de bascule entre la photographie et la peinture.

Photo Days 4e édition du 3 novembre au 3 décembre 2023
Conçu pour remplacer le Mois de la Photo, Photo Days accueille non seulement toutes les formes de photographie (mode, reportage, etc.) sans limitation temporelle ni thématique particulière, mais aussi la vidéo, la peinture, le dessin ou encore la sculpture, réalisés à partir de la photographie ou en relation étroite avec elle. Photo Days crée des parcours dans les galeries, et organise des visites guidées gratuites pour tous les collectionneurs, sur réservation.
L’exposition « Loin des jardins » de Sophie Hatier lors des Photo Days aura lieu chez We Are, 73 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008.