Les Gagnants 2019

Cette année, Raphaëlle Monvoisin et Charles Xelot remportent les Zooms du Salon de la Photo 2019 !

ZOOM DU PUBLIC 2019 : RAPHAËLLE MONVOISIN

Présentée par Vincent Trujillo, rédacteur en chef du magazine Le Monde de la Photo

BIOGRAPHIE 

Originaire du sud-ouest, son enfance fut marquée par l'exploration en solitaire des forêts de pins vertigineux. Raphaëlle Monvoisin puise son inspiration et forge son imaginaire dans la beauté de la nature qui l'entoure. À la recherche d'atmosphères envoûtantes et de lumières singulières, elle capture l'essence des grands espaces et l’émotion d'instants suspendus, mêlant photographie de nature, portrait et onirisme. Elle trouve en la photographie la liberté d'un moyen d'expression introspectif et poétique, animée par la volonté de raconter des histoires d'ombre et de lumière. Fascinée par les territoires du Nord, elle explore la Laponie sous son manteau d'hiver, et suite à ce voyage qui la marque profondément, elle décide de quitter le tumulte de la vie parisienne pour s'installer sur l’île de feu et de glace, l'Islande, en quête d'ambiances intenses et d’émotions nouvelles. Designer de formation, elle travaille en tant que directrice artistique dans une agence de publicité située à Reykjavik. 

ÉLOGE

Raphaëlle Monvoisin est l’histoire merveilleuse d’une rencontre entre un lecteur et une rédaction. Un concours photo, un dossier lumineux et singulier, un verdict unanime, et une aventure totale et enivrante partagée aux confins du cercle polaire, en Laponie. Ça crée forcément des liens et surtout l’envie que ce heureux hasard ne se résume pas qu’à cette simple parenthèse enchantée d’une épopée mémorable mais éphémère. Nous avions été fortement touchés par son dossier de candidature, comme transpercés par cet univers onirique et poétique qui se dégage de ses clichés. Il est surprenant de voir cette signature transparaître dans chacune de ses séries avec la même force introspective et la même puissance visuelle. Son travail se reconnaît entre mille. Cette persistance des sens qu’intime la photographie de Raphaëlle révèle une auteure inspirée et atypique. Il y a toujours cette nature omniprésente au sein de laquelle elle semble puiser une inspiration exaltante. Chacune de ses images révèle un délicat mélange de couleurs, de lumières captées subrepticement, d’ombres judicieusement marquées qui nous plonge dans une atmosphère irréelle, presque indescriptible, le sentiment d’un ailleurs idéal. Peut-être a t-elle le pouvoir de nous faire rêver les yeux grand ouverts ? On a envie d’y croire, instinctivement (naïvement diront certains…) car on se sent transporté; comme si elle ouvrait la porte d’un monde invisible aux plus communs d’entre nous. Sa photographie est aussi teintée d’une mélancolie cachée, d’un instant furtif (perdu ?) née d’une connexion bafouée avec notre planète. Son travail n’est pas que beau ( cela ne suffirait pas !), il dit beaucoup de choses sur le monde et sa cavalcade insensée. C’est là que réside certainement la magie qu’on ressent en regardant ses photographies. À bien des égards elle me fait penser spontanément au Petit Prince de Saint-Exupéry. Elle met en image, et à sa façon, les mots de l’illustre aviateur lunaire, exprimant, tout comme lui, un message qui dépasse le divertissement d’un conte. Nous cultivons depuis ces moments une relation forte avec Raphaëlle qui nous conduit à partager ce destin, initié sur une frontière gelée. À l’occasion de ces Zooms 2019, nous vous invitons à partager et à célébrer cet envoûtement vivifiant en votant pour cette jeune photographe talentueuse.

GALERIE PHOTOS

ZOOM DU JURY 2019 : CHARLES XELOT

Présenté par Didier DE FAYS - Photographie.com

BIOGRAPHIE

Charles Xelot s’intéresse a la notion de limite et de frontière. Il dessine les parallèles et symétries entre des domaines habituellement distincts. Ainsi il s’intéresse à la relation existant entre la religion et le monde technique. À la suite d’une formation scientifique à l’École d’ingénieur en eau et environment de Limoges, il a commencé sa pratique photographique en autodidacte. Il devient assistant pour Ahmet Ertug qui l’initie à la prise de vue à la chambre 8x10. Il voyage en Italie, en Angleterre et apprend la fabrication de livre et l’impression. Charles Xelot s’installe en Russie à la découverte des icônes de la religion orthodoxe. Il utilise ses connaissances pour interroger le monde de l’industrie dans son rapport à l’homme. Sa pratique curieuse l’amène à explorer les changements sociaux et environnementaux aux bords du monde et aux marges de la photographie documentaire et contemporaine.

ÉLOGE

À la ligne de rupture

Raconter l’invisible c’est le rôle du photographe. Charles Xelot est parti aux confins du monde pour en rapporter ses lignes de fractures, pour montrer la violence des derniers rêves d’harmonie maintenant brisés par la réalité humaine.La dernière frontière avant la Lune est à Sabetta, au nord de la Russie. Dans ce lieu de l’extrême, se déroule une ultime pièce de théâtre terrestre. La guerre de la maîtrise de l’énergie rencontre la nature. Celle où l’homme en faisait partie depuis le néolithique. L’issue est prévisible et le symbole du navire nucléaire brisant la glace de la nuit polaire rappelle l’anticipation technologique de Jules Verne.

La volonté de l’industrie y rencontre la vie multi-séculaire des Nenets au Yamal qui signifie le bord du monde dans une langue qui disparaîtra bientôt. Le photographe a documenté la nouvelle limite franchie par les besoins de consommation qui s’appelle le développement pour la société occidentale. Dans le silence de la Toundra, dans ces images, le dernier craquement du monde résonne encore plus fort. L’humanité des Nenets est maintenant domestiquée, liquéfiée à 50% russe, 25% francaise et 25% chinoise. Silencieux, le gaz de l’extrême chauffe les repas des citadins à des millers de kilomètres.

Le décor de la pièce de théâtre est posé dans la glace où les valves des ingénieurs forment le signe de la croix orthodoxe. Les symboles religieux qui accompagnent toujours les conquêtes sont puissants, les cathédrales sont les cuves. Leurs flèches sont les torchères.Cela se passe là-bas et maintenant. Il faut le regard de ce jeune photographe autodidacte pour appréhender le drame qui se répète toujours plus loin depuis Cortez. Les enjeux sont toujours les mêmes. La confiscation d’un territoire, l’éradication culturelle et la domination par le contrôle de l’énergie.L’éthique des Nenets où l’humain vivait dans la nature vivante s’est figée une dernière fois dans les images de Charles Xelot, capturée muette dans les jeux économiques, politiques.

Il est le photographe d’une guerre silencieuse. La domination sur l’Homme asservi par les besoins insatiable de la technologie. À l’épicentre des enjeux contemporain, ces photographies transcendent le témoignage. Elles sont source d'émotions, de réflexion et de spiritualité.
Aurore boréale ou lumières des usines, Charles Xelot met en doute la réalité de la nature. Ses images à la dernière limite terrestre tournent les dernières pages de l’innocence humaine.

GALERIE PHOTOS