Exposition présentée en partenariat avec Le Centre International du Photojournalisme et l'association Visa pour l'image - Perpignan.

Abbas, Ameer Al Halbi, Ali Arkady, Lucas Barioulet, Patrick Baz, Yannis Behrakis, Guillaume Binet, Alexandra Boulat, Éric Bouvet, Alain Buu, Alvaro Canovas, Robert Capa, Patrick Chauvel, Rachel Cobb, Enrico Dagnino, William Daniels, Jérôme Delay, Françoise Demulder, Maxim Dondyuk, Corinne Dufka, Thomas Dworzak, Edouard Elias, Corentin Fohlen, Stanley Greene, Thomas Haley, Ron Haviv, Olivier Jobard, Jon Jones, Alain Keler, William Keo, Bulent Kilic, Gary Knight, Bénédicte Kurzen, Frédéric Lafargue, Catherine Leroy, Pascal Maitre, Evgeniy Maloletka, Aline Manoukian, Don McCullin, Steve McCurry, Christopher Morris, John G.Morris, Yan Morvan, James Nachtwey, Anja Niedringhaus, Emmanuel Ortiz, Sergey Ponomarev, Noël Quidu, Patrick Robert, David Seymour dit « Chim », Chloé Sharrock, Joao Silva, Christine Spengler, Maggie Steber, Tom Stoddart, Gerda Taro, Pierre Terdjman, Nick Ut, Véronique de Viguerie, Alfred Yaghobzadeh, Francesco Zizola.
En 1994, Alizé Le Maoult était en Ex-Yougoslavie pour la préparation du film « Le Cercle parfait » du cinéaste bosnien Ademir Kenovic, dont le tournage commencera en décembre 1995 après la signature des accords de Dayton qui mettra officiellement fin au conflit.
Les sites mêmes du tournage, lieux de combats entre Serbes et Bosniaques, près de l’aéroport de Sarajevo, impliquent d’abord des opérations de déminage. Alizé Le Maoult habitait alors sur la célèbre "Sniper Alley" de Sarajevo. C’est dans la ville assiégée depuis plus de trois ans, qu’elle rencontre les reporters, et en particulier, une nouvelle génération de photojournalistes, à l’instar de Rémy Ourdan, encore nombreux à couvrir ce qui fut la première guerre en Europe après la Seconde Guerre mondiale. De ces rencontres, naîtra chez Alizé Le Maoult l’envie de rendre hommage à ceux qui témoignent. Cinéaste de formation, c’est pour son projet de film long métrage, dont les personnages principaux étaient des reporters, qu’elle commence naturellement à se documenter sur les photographes de guerre et qu’elle fait la rencontre de Stanley Greene à New York puis de Patrick Chauvel à Paris.
En avril 2012, Patrick Chauvel et Rémy Ourdan préparent leur documentaire "Le siège", relatant le siège de Sarajevo et décident de réunir, 20 ans après, tous ceux qui avaient couvert le siège, dans la capitale bosnienne. A l’invitation de Patrick Chauvel à rejoindre les photojournalistes à Sarajevo, à l’Holiday Inn, hôtel où nombre d’entre eux se trouvaient pendant le siège, Alizé Le Maoult a de la retenue, elle n’est pas reporter, ni même journaliste. Devant ma réserve, raconte-t-elle, Patrick Chauvel me dit : "tu n’es peut-être pas reporter mais toi tu sais" et donc, ce "toi tu sais" a été le point de départ, car il actait la légitimité de ma présence parmi ces grands photojournalistes. Cette année-là la ville de Sarajevo célèbre les vingt ans du début de la guerre avec une scénographie particulière : un immense panneau rouge barrant de toute sa largeur l’artère principale de Sarajevo et, inscrit au centre en blanc, le nombre 11 541, soit le nombre de morts durant le siège. Derrière le panneau, un flot de chaises rouges en plastique s’étend ; chaque chaise symbolise un mort, et forme comme un flot de sang qui traverse la ville commente Alizé Le Maoult.
Le jour de l’inauguration, nous arrivons avec les reporters, et quelque chose nous saisit tous physiquement. On avance le long des centaines de chaises, et tout d’un coup on arrive à la hauteur de toutes petites chaises, près de 600 chaises, qui symbolisent les enfants qui ont été tués. Et là, les parents apportent des fleurs, des jouets et des peluches qu’ils déposent sur les petites chaises rouges. À ce moment-là, même les plus aguerris des reporters sont submergés par l’émotion. Tout le monde essayait de retenir ses larmes, nous étions dans un état de sidération. Vingt ans après. Tout cela paraissait irréel, absurde. De retour à l’hôtel Holliday Inn, j’ai eu envie d’archiver l’unicité et le paradoxe de ce moment, j’ai donc demandé aux reporters de les photographier contre le mur de l’hôtel au Polaroid 180, en noir et blanc, c’est comme cela qu’a commencé la série de portraits "Ce que leurs yeux ont vu…". J’ai réalisé ensuite tous les portraits au Leica 50mm en extérieur avec le même dispositif frontal, les yeux dans les yeux et dos au mur, métaphore des murs qui se construisent en temps de paix et sont détruits au fil des guerres, des murs qui abritent aussi bien les populations que les reporters. Le premier volet "Génération Sarajevo" sera exposé en 2014 à l’Hôtel Europe lors des commémorations pour le centenaire de la Première Guerre mondiale et depuis, j’ai poursuivi ce travail et ai réalisé une centaine de portraits à ce jour.
Puis, en 2016, dans le cadre de la préparation d’une exposition dans les collections permanentes du musée de la Grande Guerre, à Meaux, avec mon commissaire d’exposition, nous avons souhaité mettre en regard de chaque portrait une image prise par les photographes eux-mêmes. Je leur ai demandé de choisir une photo parmi tous les conflits qu’ils ont couverts qui représenterait "la guerre", car eux seuls savent ce qu’ils ont vu... Je voulais aussi que nous entendions leur voix pour accompagner le portrait et l’image, je leur ai donc demandé de me livrer des mots personnels soit au sujet de la guerre, de leur métier ou sur le fait d’être un témoin de l’Histoire. Il était important de pouvoir saisir le plus intimement possible leur voix, le rapport qu’entretiennent ces photographes aux conflits qu’ils couvrent, à leur engagement. (A. Le Maoult, entretien avec JL. Soret, 24 octobre 2022)
Commissariat : Jean-Luc Monterosso, Jean-Luc Soret, Nicolas Petit

Biographie
Depuis son plus jeune âge, Alizé Le Maoult est immergée dans la photographie. Sa passion est née avec son père "photographe amateur de talent", qui transformait la salle de bains familiale en labo photo. D’abord, modèle privilégié de celui-ci, c’est le cinéma qui l’enrôle, très jeune, pour faire ses premiers pas devant la caméra.
Après des études de cinéma à New York, elle collabore avec des réalisateurs de renom comme Walter Salles, Balthazard Kormakur, Manuel Pradal, Jorge Navas ou encore Elia Suleiman pour le film "Intervention divine" (Prix du jury à Cannes en 2002).
L’année 1995 est une date clef. Le cinéma l’emmène dans la guerre à Sarajevo pour le tournage du film "Le Cercle parfait" d’Ademir Kenovic. Cette expérience professionnelle et émotionnelle intense lui inspirera plus tard, le premier volet de la série de portraits de photographes de guerre "Ce que leurs yeux ont vu / Génération Sarajevo...". Alizé a étendu ce projet inédit à d’autres photographes de guerre et aux nouvelles générations.
Son travail photographique accompagne sans relâche sa trajectoire cinématographique à travers le monde. L’être humain, la ville, la nature sont ses terrains d’exploration récurrents et sans frontières. Du portrait à l’abstrait, ses univers visuels se racontent en série : Réconciliation I & II (avec Romain Léna), Pink Shanghai, Cuba Blues, White Washington, Sérénité, Vibrations, Nuits Eclairées...
Alizé Le Maoult a exposé à Paris, Beyrouth, Sarajevo, Caen, Meaux et Verdun aussi bien dans des galeries et des foires que dans des Musées ou institutions. Elle a également exposé aux côtés de Yann Arthus-Bertrand, la série "Sable végétal".
